De plus en plus de boutiques commercialisent du cannabis CBD, un « cannabis light » sans effet stupéfiant. Une mission interministérielle a publié, lundi, une mise au point pour clarifier leur situation. Réaction à Besançon, dans le Doubs, du gérant d'une boutique qui en vend.
Le rapport l’a fait frémir. « J’ai eu peur, j’ai même fermé mes deux boutiques hier », explique René Guérin, gérant du Green Coffee, à Besançon, ainsi que d’une autre enseigne à Vesoul. Mains dans les poches, allure nonchalante, l’ancien plombier franc-comtois n’affiche pourtant pas la mine crispée d’un commerçant inquiété. « Ce qui a été publié, ça n'est qu'un rapport. Ils vont mettre des mois avant de pondre une loi ».
Réglementation : un rapport qui crie haro sur le CBD ?
Lundi soir, la publication de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Midelca) a secoué quelques commerçants. Elle semble avoir rajouté une épaisse couche de fumée au halo de brouillard dans lequel végète, depuis quelques mois, le cannabis CBD.
Le canabidiol, on vous l’avait expliqué, est un composé actif du cannabis (du chanvre). Au contraire du THC (tétrahydrocannabinol), il ne s’agit pas d’un stupéfiant et n’a donc aucun effet psychotrope. Plusieurs études vantent ses « propriétés relaxantes, tranquillisantes », prisées par certains malades atteints de sclérose en plaque ou de migraines chroniques.
En quelques mois, le boom du cannabidiol a ouvert la brèche d'un commerce florissant. « J’ai senti le potentiel quand j’ai vu la queue devant une autre boutique de CBD », confesse René Guérin. Face à la profusion des magasins qui le commercialisent, une mission interministérielle a crié haro sur le baudet.
Le canabidiol : ni complètement interdit, ni complètement autorisé
Selon le rapport publié lundi, « tout produit contenant du canabidiol extrait de la plante de cannabis est interdit, sauf s’il entre dans le cadre de » certaines dérogations. Une fois la phrase reformulée, il apparaît donc évident que les produits dérivés du canabidiol soient parfois autorisés.
- Dérogation numéro 1 : à la liste autorisée, le chanvre appartiendra
- Dérogation numéro 2 : fleur ou feuille de chanvre, tu ne vendras point
Qu'un magistrat condamne un commerçant vendant une fleur de chanvre, René Guérin n'y croit pas. « A Vesoul, mon vendeur a été contrôlé. La gendarmerie lui a demandé ce qu'il avait dans la voiture, il a montré les produits de cannabis CBD. Et ils l'ont laissé partir, comme ça. Même les gendarmes ne savent pas quoi faire. Pour l'instant, au niveau du droit, rien n'est fait. On ne peut pas pondre une loi en six mois ».
- Dérogation numéro 3 : pas plus de 0.2% de THC tu ne dépasseras
« Je vends du cannabis CBD, mais je ne suis pas un docteur »
Le rapport met aussi en garde contre la tentation de la promotion thérapeutique. Gare au commerçant qui vantera les bienfaits du CBD. « Les seuls produits pouvant le faire sont ceux autorisés par l’Agence nationale de sécurité du médicament », précise le rapport.
A Marseille, un magasin de liquide pour cigarette électronique à base de cannabis CBD a été condamné en janvier dernier. Les deux fabricants, qui vantaient les effets relaxants et anti-stress, ont écopé de 18 et 15 mois de prison avec sursis, assortis d'une amende de 10000 euros après avoir été reconnus coupables de plusieurs infractions à la législation sur le médicament.
A Besançon, René Guérin a retiré dare-dare sa pancarte explicative sur les bienfaits du CBD pour la santé. « Moi je vends du cannabis CBD, je ne suis pas docteur. Quand les gens arrivent, je ne leur dis pas ‘ vous avez mal où ? Tenez je vais vous donner ça’ ».
Une stratégie marketing controversée
Autre point de crispation soulevé par le rapport, les publicités en faveur des produits contenant du CBD. La mission interministérielle dénonce la confusion entretenue par le marketing, aboutissant, in fine, « à une promotion du cannabis ».
« Cette pratique est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant », affirme la mission interministérielle. Une assertation relativement floue, certes, mais suffisamment expéditive pour calmer les ardeurs de certains commerçants.
René Guérin a bien compris le message. « Moi je ne vends pas d’articles du fumeur, contrairement à Bestown Shop, l’autre boutique de Besançon ». Vendre un produit sur lequel il est inscrit, en lettres capitales, « ne pas fumer », dans un magasin qui fait dans le bang, le masque à gaz, la chicha et la feuille à rouler, apparaît effectivement un tantinet paradoxal.